CARTE BLANCHE A PATRICK LEBOUTTE
SORTIR DE L'OMBRE (un hommage à l'ASBL "des images")
Pour cette nouvelle carte blanche annuelle, j'ai
choisi de mettre en lumière le travail de l'association belge francophone "des images", un collectif sans équivalent dans ce plat pays qui est le mien puisqu'il regroupe documentaristes,
artistes, techniciens du film, enseignants et plus généralement spectateurs unis par la même conviction que le cinéma perd la raison quand il se sépare du peuple et rompt avec l'éducation
populaire. Projeter et voir ensemble, en tous lieux - salles de quartier, cafés, jardins, usines ou ateliers, en dehors des cénacles et des cercles spécialisés - pour ensuite sans jargonner
mieux parler de la façon dont les films et leurs formes nous travaillent : ces gestes ne sont pas séparés, mais disent au contraire la vocation de l'association à renouer avec les
fondements d'une formation démocratique aux images et aux sons, indissociable d'une réflexion en commun sur le monde que nous endurons.
Les films que je vous propose ont été réalisés par
des membres ou des proches de ce collectif : une lettre en prologue et trois documentaires élaborés patiemment, au fil des ans et pour ainsi dire sans financement, mais animés par la même
certitude qu’ils finiraient bien par éclore un jour. Tous se parlent, dialoguent, se font écho, irrigués par le même souci de rendre d'abord à la lumière ceux que le philosophe Walter Benjamin
appelait en son temps "les sans-noms" : enfants autistes et schizophrènes filmés sous les caresses du soleil (Guerch), paysans résolus à ne jamais quitter la terre de leurs ancêtres (Federoff),
classe ouvrière intacte dans sa fierté à défaut d’avoir pu sauvegarder ce qui fondait son identité collective, mais encore capable de faire résonner en ses corps les vibrations poétiques d’un
Rimbaud, pour s’éclairer par elle-même (Taliercio). Replacer au cœur de l’Histoire ceux qu’on n’entend plus, parce que les images majoritaires ne les regardent plus, ou si mal, ou
systématiquement déformés, était selon Pierre Pierrault la raison d'être du cinéma. Je vous apporte une bonne nouvelle, il existe encore des films en forme de lucioles, pour la suite d’un cinéma
debout, raison pour laquelle nous commencerons la journée par un ciné-tract d'aujourd'hui, hommage de cinéastes autonomes à toutes ces salles de province, forcément menacées, mais qui ne
parviennent pas à renoncer à produire encore et toujours de la lumière.
Du cinéma direct comme un uppercut décoché pour la bonne cause: sauver une salle de cinéma, sans
plus attendre, sans tralalas. L’histoire de deux hommes au fond du trou qui croient encore en la lumière, au paradis sur terre, à l’Eldorado. Une renaissance burlesque du cinéma militant. Du bon
usage d’une caméra, avec André S. Labarthe et ses Gitanes maïs en option.
en présence des réalisateurs, de Matthias Chouquer, directeur du cinéma dijonnais "l'Eldorado"
et d'Archimède spectateur et fidèle soutien de l'Eldo, auteur sur le site de la Lettre
d'Archimède
Tourné
et monté en une journée, dans un village de Bourgogne, un envoi, un envol, un salut attentif et respectueux à ceux que nous côtoyons tous les jours sans même les considérer.
« Ils se nomment et ils ne se nomment pas, car ils sont étrangers à la parole. On dit d’eux qu’ils sont autistes. Je m’embarque avec ma caméra dans leur vacance, hors des mots, et je me laisse guider sans présumer de ce qui pourra advenir ou non. Une invitation à la rencontre et à la traversée, sur un fil, aux bords du vide. Une présence inoubliable pour qui veut bien les voir. Ce film doit beaucoup aux premières Rencontres de Laignes au cours desquelles furent montrés au public mes premiers rushes, mes premiers essais » François Guerch
Suite à l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en avril 1986, il y a tout juste 30 ans, des dizaines de milliers de personnes furent déplacées, par force et souvent contre leur gré.
Certaines ont refusé leur nouveau lieu de vie, s'obstinant à s'établir en lisière de la zone interdite, à portée de regard de leur terre comme de celle de leurs aïeux. Des vieux, bien sûr, mais
aussi leurs descendants, petits-enfants orphelins d'une Histoire qu'ils ne purent ni écrire ni désirer. La caméra de Delphine Federoff campe à leurs côtés.
Grand prix du jury du 8ème festival CORSICA.DOC à Ajaccio en 2014.
Une promenade mélancolique le long de la Meuse, en suivant les pas d'Arthur Rimbaud décidant à 16 ans de fuir Charleville pour Charleroi. Avec en toile de fond, cette question criante : qu'advient-il en notre siècle des villes grandies au profit d'industries à présent disparues? Qu'y vit-on? Quelle réalité, quelles fictions? Amoureux de ceux qu'il rencontre, Patrick Taliercio dessine le portrait lucide d'une vallée en panne d'industrialisation que des édiles dépassés tentent de redynamiser en montant d’absurdes projets de rénovation urbaine ou de centres commerciaux.