TERRITOIRES PARTAGÉS, LIEUX DU COMMUN.
Qu'évoque généralement la notion de "territoire", mise à toutes les sauces
aujourd'hui, sinon d'abord l'idée d'un espace (géographique, politique, sentimental ou mental) supposé constituer un groupe humain, aussi réduit soit-il, que ses caractéristiques distingueraient
de tous les autres? En ce sens, pas de territoire sans frontières, délimitations ou balises, signes tangibles d'identification destinés à renforcer le sentiment d'une commune appartenance.
Autrement dit, si le territoire est ce qui soude et réunit, il est aussi ce qui divise et sépare : en être ou pas, dehors ou dedans, ces questions lui sont congénitales.
Paradoxalement, nous vivons depuis 30 ans sous l'emprise de tendances lourdes - globalisation des échanges, tyrannie planétaire du marché - dont les actions conjuguées tendent précisément à
disloquer les anciennes entités, territoriales ou symboliques. Ainsi s'est imposée à nous la vision d'un monde unique, unifié à défaut d'être pacifié, nouvelle donne obligeant à reposer autrement
la question. A la certitude de certains d'être désormais tous du même monde répond de fait l'aspiration des autres à de "micro-mondes" protégés : logique du global contre repli sur le local où le
territoire n'est "un" que dans l'imaginaire de la peur, la fiction d'un monde découpé en entités distinctes et cloisonnées. D'un côté "le monde est un", de l'autre "à chacun son monde", comme
l'écrit joliment Jean-François Chevrier, philosophe des pratiques artistiques; d'un côté la dilution, de l'autre l'enfermement. Entre les deux, l'opposition n'est pourtant qu'apparente tant ce
qui s'y joue est probablement du même ordre : fabrique planétaire du même ou construction locale du semblable (communautarisme, tribalisme, guerre civile, consanguinité).
Échapper à cette alternative revient à penser la question du territoire autrement qu'en termes de
séparation ou de glissement de l'identité vers l'identique, ce que le meilleur du cinéma documentaire a compris depuis longtemps, lui préférant la notion de "lieux" : lieux dits, lieux parlés,
lieux communs, envisageant au contraire la question sous l'angle de la coprésence, de l'ouverture à l'autre, de l'échange - ce qui circule entre les singularités, ce qui se transforme dans la
rencontre, ce qui sans jamais les annuler réduit écarts, différences et distances. Autrement dit, penser le territoire comme promesse d'espaces communs, toujours à construire et forcément
mouvants, lieux des uns comme des autres, librement associés, ne serait-ce que pour un temps. Ceux qui ont vu "le plein Pays" reconnaîtront dans ces lignes le cinéma d'Antoine Boutet, invité de
cette nouvelle édition du festival de Villedieu, osant comme lui une pensée du voisinage, avec le proche, avec le lointain, avec l'ici, avec l'ailleurs, simultanément, parce qu'il n'y a qu'un
seul monde et que l'expérience artistique est encore la meilleure façon de l'habiter. Penser le territoire reviendrait alors à penser non le semblable, mais le commun, en dépit des cartes, des
cadastres et des affiliations. Patrick Leboutte
La Ligne de partage des eaux s’inscrit dans le périmètre du bassin versant de la Loire, de la source de la Vienne sur le plateau de Millevaches jusqu’à l’estuaire. Le bassin versant, et non pas le fleuve Loire ! C’est-à-dire le plan incliné vers la mer, la totalité de l’espace irrigué, pas seulement le trait de la rivière. C’est-à-dire les zones d’activités et les zones humides, les fossés et les autoroutes, les salles de réunions et les chantiers. Car l’eau est partout, dans les sols, dans les nappes, dans l’air, circulant, s’infiltrant, s’évaporant et partout reliant les territoires entre eux, désignant leur interdépendance, nous faisant rêver à leur solidarité. La ligne de partage des eaux n’est donc pas seulement cette ligne géographique qui sépare des bassins versants mais elle est aussi la ligne politique qui relie des individus et des groupes qui ont quelque chose en partage : de l’eau, un territoire, un paysage.
En véritable cinéaste du paysage, des espaces – en un mot du territoire – Marchais se pose en authentique arpenteur, délimitant tout à tour les contours d’une politique de réforme locale, d’implantation de l’habitat ou d’une zone industrielle en les traduisant en termes concrets sur le terrain. Julien Marsa - Critikat.com
Absence de visée polémique. Désir de comprendre. Pari sur l'intelligence du spectateur. Préparation au long cours. Richesse synthétique des approches, des sources, des personnages. Souci de raccorder l'enjeu du film à une conception globale de l'homme dans son environnement. Jacques Mandelbaum - Le Monde
Au travers de la lutte des agriculteurs de l'est de la Belgique pour leur survie, "Il a plu sur le grand paysage" formule un poème cinématographique sur la Culture paysanne aujourd'hui menacée de disparition... Neuf agriculteurs nous disent ce qu'ils ont sur le cœur...
Ce beau film est tout à l’image de ses « héros », discrets et jamais plaintifs, bien décidés à se battre (...) À la fois concret dans les problèmes évoqués et d’une humanité vibrante, Il a plu sur le grand paysage, film grave et limpide, mérite d’être découvert. Arnaud Schwartz - La Croix
Des hommes, des femmes élevés avec amour aux chants de la terre, réduits à survivre au jour le jour. Andrien écoute leur désarroi et leur colère. Sandra Benedetti - L'Express
Film présenté par Patrick Leboutte
Fouron-le-Comte, un des six villages légalement annexés à une région flamande, mais francophones de choix.
Le dimanche 20 mai 1979, une manifestation de nationalistes flamands a été annoncée pour l’après-midi. Des gendarmes à cheval rappellent que depuis près de vingt ans, la région vit en état de
siège.
Violations de domiciles, attitude partisane de la gendarmerie, arrestations arbitraires de francophones, tels seront les incidents de la journée, qui détermineront un des porte-paroles des
villageois à rencontrer le roi des Belges.
Sur le vif et dans l’impondérable mouvance d’une conscience collective : telle est la double approche de Mémoires, ce beau film de Jean-Jacques Andrien qui, captant un petit morceau de vérité sur un moment historique mineur, réussit à nous faire entrer en réflexion, voire en connivence. Andrée Gérard – La revue nouvelle