Écrire en toute objectivité sur Jean-Louis Comolli, décédé en mai dernier, m’est difficile. Écrivain, philosophe, pédagogue, cinéaste (près de 70 films, majoritairement documentaires), rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma dans les années 60 – leur plus belle période, celle qui nous rendit familière l’efflorescence des nouveaux cinémas, Chahine, Pasolini, Perrault, Glauber Rocha, Skolimowski, Straub-Huillet – et fou de jazz – qu’il considérait tel un mouvement de libération du son des humbles (son livre Free jazz, black power reste une Bible pour beaucoup) -, Jean-Louis Comolli était d’abord mon ami, le cinéaste le plus généreux que j’ai rencontré dans ma vie, et mon principal complice intellectuel, celui qui m’a poussé le plus loin pendant plus de vingt ans. Alors bien sûr, je pourrais vous dire que sans son apport, sans son travail quotidien, sans ses écrits, le cinéma documentaire n’aurait pas la reconnaissance et la légitimité qu’il possède aujourd’hui, mais ce serait bien insuffisant et par trop réducteur, ignorant l’essentiel, à savoir que Jean-Louis était fondamentalement un amoureux de la vie. Je ne me souviens pas d’une seule rencontre, d’un seul dîner, d’un seul débat public, sans d’immenses et tonitruants éclats de rire, tant la parole le mettait en joie. Faire advenir la parole des hommes et des femmes ordinaires, des sans-grades et des sans-noms, dans un plan de cinéma, était pour lui la principale fonction du geste documentaire, définition du cinéma que je partage avec lui. Je me souviens que dans nos échanges, nous évoquions souvent Classe de lutte, premier film du groupe Medvedkine de Besançon (1968) que nous aimions tous deux passionnément, en particulier la fin : la parole de Suzanne, héroïne prolétarienne, fondant seule un syndicat au nez et à la barbe de ses patrons qui n’en voulaient pas, devenue chanson ; la parole de Suzanne passée dans le corps et le timbre de voix d’une autre femme, Colette Magny, en charge de la propager plus loin, de la faire ricocher, afin qu’elle fasse tache d’huile, zones d’ondes ; et ce carton final, non pas avec le mot « FIN » comme dans tant de films, mais plus justement « A SUIVRE ». A SUIVRE : parce que notre histoire du cinéma est sans fin ; A SUIVRE parce que l’histoire du peuple et de ses utopies que le cinéma documentaire, tel que nous l’entendons, a si souvent croisés est sans fin ; A SUIVRE parce que Jean-Louis, tu es sans fin. Patrick Leboutte

 

Dimanche 16 avril    Une journée avec Jean-Louis Comolli

animée par Patrick Leboutte,

avec la participation de Jacques Lemière, Sylvie Pierre, Vincent Sorrel

et une intervention de Jean-Joël Lemarchand sur la puissance de la langue

de Jean-Louis Comolli.

 

Cinéma documentaire Fragments d'une histoire

10 h

En puisant dans les images qui composent les trois-quarts du siècle dernier, Jean-Louis Comolli a fait le choix de films qui l’ont traversé pendant cinquante ans, dévoilant ainsi « son » histoire du cinéma. Savante partition visuelle orchestrée par une voix-off, la sienne, au travail devant ces films qui l’ont tant regardé et qui le travaillent à leur tour. Autoportrait d’un cinéaste en spectateur actif, toujours en mouvement, autrement dit capable de nommer ce qui lui arrive devant un écran.

Filmer

pour voir

14h30

Ce film est un voyage dans l’œuvre de Jean-Louis Comolli. 

Filmé dans l’espace d’un studio, Jean-Louis Comolli est confronté à des extraits de quelques-uns de ses films. Il revient sur ses choix de mise en scène et sur les thèmes qui ont nourri sa réflexion sur le cinéma.

La Vraie Vie

(dans les bureaux)

17h

L'action se passe à la caisse régionale d'assurance maladie de l'Ile-de-France (CRAMIF). D'octobre à décembre 1992, nous avons tourné dans les services "Invalidité" et "Tarification accidents du travail", ainsi qu'au courrier, au pool dactylos et aux archives. Cette "vraie vie" n'est rien d'autre que la vie réelle, bien réelle, huit heures par jour dans les bureaux, de celles qu'on a appelées les "OS du tertiaire".


 

A propos de Filmer pour voir

Afin de mettre en évidence le lien dialectique existant entre sa pratique de réalisateur et ses réflexions théoriques, Ginette Lavigne a conçu en studio un dispositif en miroir qui confronte Jean-Louis Comolli simultanément aux questions qu’elle lui pose et aux images de ses propres films. Cette conversation partant des images et y revenant sans cesse lui permet de passer d’un souvenir d’enfance à une anecdote de tournage, puis de développer des idées de caractère général sur l’éthique du documentaire. Si les extraits de films suivent un ordre approximativement chronologique, depuis Tabarka 42/87 (1987) et Naissance d’un hôpital (1991) jusqu’aux films plus récents (Face aux fantômes, 2009), les propos de Comolli sur le cadre, le corps, le hors champ, le sujet filmé, le travelling, la distanciation ou la négation au cœur de l’affirmation empruntent un cheminement aussi libre et sensible que la musique de jazz à laquelle il a consacré, par ailleurs, plusieurs livres. Eva Ségal – Images de la culture  

 

A propos de La Vraie Vie (dans les bureaux)

A mes yeux, son plus grand film, celui où l’on voit qu’il n’y a pas de parole possible sans écoute. Dans La vraie vie dans les bureaux, Jean-Louis Comolli filme les employées d’une caisse de la Sécurité sociale, en banlieue parisienne, celles du bas de l’échelle. Sont-elles si différentes de Marilyn Monroe ou de Greta Garbo ? Non, elles aussi sont apparues en grand, en pleine lumière, sur un grand écran, personnages de cinéma à part entière, rêvant d’exister à leur tour, ne serait-ce que dans un film mélancolique comme un tango. Patrick Leboutte                                     

Si Jean-Louis Comolli est connu principalement pour son travail sur le cinéma, il s'est fortement intéressé également au jazz. Il a collaboré à l'écriture de deux ouvrages de référence, un Dictionnaire du jazz aux Editions Robert Laffont et Free Jazz Black Power. 

En écho à cet ouvrage, deux films en lien avec le jazz.


 

 

Jean-Louis Comolli a publié de nombreux ouvrages aux Editions Verdier. Souvent sur le cinéma, tel ce Cinéma mode d'emploi en collaboration avec Vincent Sorrel.

 

Ses derniers écrits mêlent l'intime et ses réflexions sur le monde et sur le cinéma..

 

Le site des Ediions Verdier ont regroupé quelques-uns des nombreux hommages

qui lui ont été rendus.



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